Page:Pascal - Pensées, éd. Didiot, 1896.djvu/65

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
préface.

de l’histoire évangélique, faisant de très belles remarques sur l’Evangile, même sur le style des évangélistes, et sur leurs personnes ; sur les apôtres en particulier, et sur leurs écrits ; sur le nombre prodigieux de miracles ; sur les martyrs ; sur les saints : en un mot, sur toutes les voies par lesquelles la religion chrétienne s’est entièrement établie. Et quoiqu’il n’eût pas le loisir, dans un simple discours, de traiter au long une si vaste matière, comme il avait dessein de faire dans son ouvrage, il en dit néanmoins assez pour convaincre que tout cela ne pouvait être l’ouvrage des hommes, et qu’il n’y avait que Dieu seul qui eût pu conduire l’événement de tant d’effets différents, qui concourent tous également à prouver d’une manière invincible la religion qu’il est venu lui-même établir parmi les hommes.

Voilà en substance les principales choses dont il entreprit de parler dans tout ce discours, qu’il ne proposa à ceux qui l’entendirent que comme l’abrégé du grand ouvrage qu’il méditait ; et c’est par le moyen d’un de ceux qui y furent présents qu’on a su depuis le peu que je viens d’en rapporter.

On verra, parmi les fragments que l’on donne au public, quelque chose de ce grand dessein de Monsieur Pascal : mais on y en verra bien peu ; et les choses mêmes que l’on y trouvera sont si imparfaites, si peu étendues, et si peu digérées, qu’elles ne peuvent donner qu’une idée très grossière de la manière dont il avait envie de les traiter.

Au reste, il ne faut pas s’étonner si, dans le peu qu’on en donne, on n’a pas gardé son ordre et sa suite pour la distribution des matières. Comme on n’avait presque rien qui se suivît, il eût été inutile de s’attacher à cet ordre[1], et l’on s’est contenté de les disposer à peu près en la manière qu’on a jugé être plus propre et plus convenable à ce que l’on en avait. On espère même qu’il y aura peu de personnes qui, après avoir bien conçu une fois le dessein de Monsieur Pascal, ne suppléent d’eux-mêmes au défaut de cet ordre ; et qui, en considérant avec attention les diverses matières répandues dans ces fragments, ne jugent facilement où elles doivent être rapportées suivant l’idée de celui qui les avait écrites[2].

Si l’on avait seulement ce discours-là par écrit tout au long et en la manière qu’il fut prononcé, l’on aurait quelque sujet de se consoler de la perte de cet ouvrage, et l’on pourrait dire qu’on en aurait au moins un petit échantillon, quoique fort imparfait. Mais Dieu n’a pas permis qu’il nous ait laissé ni l’un

  1. Inutile, non ; difficile, oui.
  2. Telle est la tâche que nous avons assumée afin d’en épargner, en partie du moins, l’ennui et la fatigue au lecteur.