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gnie qui savait bien que ses plots ne pouvaient tuer personne, pas même un cheval, se rebiffa, demanda l’autopsie de la bête, fit une enquête, retrouva les agents qui avaient remarqué le manège du cocher rue Lignaumur et l’on finit même par retrouver la fiole révélatrice qu’il avait jetée dans une bouche d’égout.

Horreur, le malheureux avait empoisonné son cheval avec une décoction de graines d’if, toujours mortels pour la plus belle conquête de l’homme, après le chien bien entendu.

Il n’y avait plus à hésiter, le cocher fut arrêté et passa en jugement pour tentative d’escroquerie.

L’audience fut roulante et le bonhomme se défendit comme un beau diable.

— Mais, Messieurs les juges, j’allais conduire mon cheval chez Macquard, c’était un vieux compagnon, je l’aimais — ici larmes, trémolo, voix mouillée — c’était bien mon droit de le tuer doucement pour l’empêcher de mourir. Vous connaissez le pouvoir de l’if, je n’ai pas menti en disant qu’il était mort foudroyé.

— Oui, mais pas par les plots et vous avez voulu faire chanter la Compagnie des Tramways, l’escroquer en un mot, et c’est là votre faute.

— Ah ! Monsieur le Président, j’ai tué mon pauvre cheval par humanité — sanglots à la clef !

— Par chevalerie, vous voulez dire !

La salle se gondole, le procureur en est ma-