Page:Paul de Musset - Course en voiturin, Italie et Sicile, 1845, 2.djvu/221

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profils sombres des palais, et l’apparence fantastique de tous les objets, nous jetaient dans un monde de sensations entièrement inconnu. Je croyais aller aux enfers comme le pieux Énéas, et M. V… me demandait, plus sérieusement qu’il ne le croyait lui-même, si je n’avais pas entendu tomber un cadavre dans la lagune, du haut d’une fenêtre. Des lumières brillèrent bientôt à peu de distance ; d’autres gondoles glissèrent comme des fantômes autour de la nôtre ; les rameurs abordèrent, et nous nous trouvâmes sur la Piazzetta, au milieu d’une foule de dames et de promeneurs qui écoutaient la musique du régiment de la marine. Mon trajet achérontique aboutissait à un concert en plein air, et le sinistre chapitre de roman que M. V… construisait dans sa tête eut pour dénouement une glace à la vanille qu’il se mit incontinent dans l’estomac.

Voulez-vous avoir une idée exacte de Venise, lecteur enthousiaste ? Rien de plus simple. Allez à Venise, c’est le seul moyen. J’avais vu, comme vous, les tableaux de Canaletti, j’avais