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Page:Pavie - Notice sur les travaux de M. Eugène Burnouf.djvu/27

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qui retarderait trop la publication du troisième volume de son Pourâna, M. E. Burnouf recule ; sa conscience lui dit qu’il est de son devoir de terminer d’abord l’œuvre commencée. Peut-être, habitué qu’il était à ne rien publier qui ne fût complet, voulait-il attendre encore, revoir en détail ces notes si patiemment recueillies. Après avoir indiqué sommairement le but et la nature des futurs travaux qu’il annonce, il reprend l’analyse du Bhâgavata. Dans l’intervalle de sept années qui sépare la publication du premier et du troisième volume de ce poëme, le maître a prodigieusement grandi.

Rien de ce qui a été publié en Europe et dans l’Inde n’a échappé à ses investigations ; et c’était là un des rares mérites de M. E. Burnouf, de pouvoir, tout en poursuivant sa tâche, se mettre au fait, jour par jour, heure par heure, de tout ce qui se rapportait à ses propres études. Entre lui et les écoles d’Oxford, de Berlin, de Bonn, etc., il y avait un incessant échange d’étincelles électriques, une communication d’idées si rapide, si instantanée, qu’on eût dit que, dans leurs mémoires et dans leurs préfaces, ces savants illustres causaient dans un invisible entretien. C’est ainsi que, dans la préface de ce troisième volume, discutant, le plus souvent pour les louer, les écrits de ses rivaux, il éclairait d’une vive lumière le système des sectateurs de Vichou, qui récommandent l’absorption en Dieu, l’abstention des œuvres ; les luttes des sectes rivales qui se disputèrent, plusieurs siècles avant notre ère, la suprématie religieuse, les légendes sous lesquelles se cache le fait historique ; la filiation des races royales célébrées par les brahmanes ; et, enfin, les origines du peuple indien, dans ses rapports avec la race bactryenne. Et il allait toujours ; attiré par des horizons nouveaux, séduit, mais non ébloui par les éclairs lumineux qui, tout à coup, déchiraient le voile répandu sur cette partie mystérieuse du vieux monde. Pour réunir en un seul travail, en un volume, l’ensemble de ses dernières recherches que nous indiquions tout à l’heure, le temps lui a manqué ; il ne lui a pas même été permis de publier en entier le Bhâgavata Pourâna. Si nous avons parlé de ces travaux promis, c’est qu’ils étaient presque entièrement achevés ; c’est aussi parce qu’ils montrent que cette puissante intelligence acquerrait chaque jour par le travail de nouvelles forces ; et que l’expérience et la maturité donnaient de plus en plus aux publications de M. E. Burnouf le caractère de supériorité et de véritable grandeur, qui n’appartient qu’aux productions des maîtres.