Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/172

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le corps et l’âme sans déshonorer la personne. Un travailleur intellectuel abruti est aussi misérable et n’est pas plus méprisable qu’un maçon infirme ou qu’un vigneron bossu. Mais il n’est pas plus recommandable. Ou plutôt la maladie intellectuelle n’est pas plus recommandable que la maladie ou que l’accident manuel. Pour tous les travailleurs, et pour le citoyen Pascal, même, la santé, seule harmonieuse, est aussi la seule qui soit recommandable.

— Suspendons, mon ami, ces affirmations téméraires et vaguement religieuses. Nous en sommes aux médecins de Pascal.

— C’étaient de bonnes gens, et je n’en saurais plus dire. Je voulais vous faire observer avec moi, docteur, comme il serait dangereux de découper trop nettement les méthodes que nous croyons distinguées dans le réel. Vos première et seconde méthodes se composent pour les chrétiens en s’associant, en se renforçant, même en se confondant beaucoup plus souvent qu’elles ne se contrarient. Les traitements, les remèdes et les soins, les tisanes, les drogues écœurantes et les potions fades leur servent à deux fins : naturellement les soins préparent ou font la guérison ; moralement, ou plutôt religieusement, puisque les drogues sont désagréables, pénibles, douloureuses, elles fournissent un exercice de pénitence.

— Dont la valeur est diminuée d’autant pour les fidèles qui auraient naturellement peur, comme vous, de la maladie et de la mort. Inversement avez-vous un seul instant, au moment du danger, redouté ce que peut redouter un chrétien sincère ?

— Non, docteur, pas un seul instant je n’ai redouté