Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/176

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— J’admets, docteur, que ces lois lui paraissaient à peu près intervenir ainsi que nous paraissent intervenir ce que nous nommons les lois de l’hygiène et les lois d’un régime. Je remarque seulement que ces lois nous paraissent désormais grossières dans leur brutalité.

— Non, mon ami : elles ne sont proprement ni grossières ni brutales. Mais elles sont comme on devait et comme on pouvait les faire au temps de Pascal. N’oubliez pas qu’alors les sciences que nous nommons naturelles n’étaient pour ainsi dire pas nées ; l’histoire naturelle n’était pas née encore et l’histoire humaine était mal poursuivie ; et la chimie aussi n’avait pas été instituée. Au contraire la mathématique, les mathématiques, la physique mathématique, la mécanique mathématique avaient donné brusquement des résultats extraordinaires. La mécanique céleste avait donné des justifications admirables. Vous ne pouvez nier que l’admirable coïncidence des phénomènes célestes aux calculs humains, que la fidélité des planètes, vagabondes, aux rendez-vous astronomiques n’ait donné à la plupart de ces philosophes et de ces savants une satisfaction encore inouïe et parfois comme un orgueil nouveau. Ils étaient sans doute orgueilleusement géomètres, et la résonance de cet orgueil, également inadmissible à des chrétiens, à des moralistes et à des naturalistes, retentit de la physique, de la métaphysique, de l’anatomie et de la physiologie cartésiennes à la philosophie leibnitzienne et jusque sur la critique de Kant. Pascal s’en évada comme un chrétien, par la contemplation de la sainteté :

« La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité, car elle est surnaturelle.