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ainsi dire pas. Les événements publics nous étaient contraires. Nos courtes finances filaient ailleurs, dans les grèves et les souscriptions, n’affluaient pas au fonds commun. Le grand public français gardait son argent pour les banquistes. Le public socialiste s’épuisait ailleurs. Le personnel socialiste alors devenait ce qu’il est devenu. Les augments de la seconde croissance commençaient à se fatiguer pour la plupart. Ils avaient presque tous mal entendu l’institution. Ce qui paraissait devenir impraticable était la simple communication de l’intention première. Et les gens ne donneraient pas d’argent pour dans dix ans.

Le remède vint. Pour donner à l’institution commune la surface de base qui lui manquait, il fallait un comité. Seul je ne présentais pas une suffisante garantie. Mais un comité garantirait l’institution auprès des personnes éloignées. Ce comité ferait la mutation de confiance, la mutation de la confiance, la transmission de confiance indispensable. Ce comité aurait en moi cette confiance entière qui se fonde sur la connaissance et l’amitié personnelle. D’ailleurs ce comité aurait assez de largeur et de poids pour me garantir auprès des personnes éloignées.

La quatrième croissance, qui se fût faite autour du comité, ne se produisit pour ainsi dire pas. L’esprit du public et les événements nous résistaient. Une lassitude intérieure s’ensuivit. Et la désagrégation vint.

L’affaire Dreyfus nous causa un dommage incroyable. Pendant tout le temps qu’elle dura, négligeant non seulement nos affaires et nos intérêts, mais nos droits même et l’action qui nous était particulière, tout le temps, tous les soins, tout le travail, tous les efforts, toute l’action furent au service d’une justification individuelle.

Au commencement de l’affaire, dans les derniers mois de l’année 1897, un événement privé mit à ma disposition, pour la première et pour la dernière fois de ma vie, une