Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/327

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Bouchor disait à un ami que les cahiers étaient tout de même un peu durs pour les malheureux qui se déballent vaillamment et honnêtement parmi les embarras de l’action publique. Ce n’est ni à Gérault, ni à Jaurès que j’en ai beaucoup. Je sais qu’ils sont abonnés aux cahiers, eux et leur entourage, et qu’ils paient, comme tout le monde, leur abonnement ordinaire. Je sais qu’ils n’auraient pas même la mauvaise pensée, comme certains amis de M. Herr l’ont eue et accueillie, de traduire un dissentiment, même intime, en essai de mise en quarantaine et d’affamement économique. J’en ai très exactement à ceux qui, étant devenus ou nés universitaires, fonctionnaires, travailleurs intellectuels ou travailleurs manuels, veulent introduire parmi nous les procédés et la mentalité des politiciens ou des politiques professionnels. J’admets que les politiciens et que les politiques professionnels fassent de la politique. Je ne suis pas un anarchiste professionnel. Je ne me fais pas des rentes en dénonçant au peuple, dans un journal, que les politiciens et que les journalistes se font des rentes en faisant semblant de le servir. —

— Attendez, dit sèchement Pierre Deloire. Faites-vous ici allusion au débat récemment ému entre Jean Grave et Urbain Gohier ?

— Laissez-moi tranquille, je ne fais aucune allusion. La Société mourante et l’anarchie est le livre qui m’a le plus profondémnent remué. Mon discours est plein de noms propres. Je hais autant le sectaire prétendu anarchiste que le sectaire véritablement anarchiste. J’admets que certains socialistes fassent provisoirement de l’action politique ainsi que j’admets que certains Français