Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/343

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— Elles y seront, car je suis un homme juste.

Laisse-moi donc un certain délai. Il faut que je me prépare. Un peu. Il faut que j’y pense.

— On ne se prépare pas à dire la vérité. On ne se prépare pas à parler en public. Les grands orateurs bafouillent sans préparation. Es-tu donc un misérable cabotin, que tu veux te préparer à me faire un compte rendu. Ce soir, tu m’entends, cette après-midi, et pas demain. Quand tu devrais en crever. Convoque tes amis. Je suis bon prince. Et puis je n’ai apporté aucun citoyen dans ma valise.

À deux heures sonnantes, heure fixée, mes amis Pierre Baudouin et Deloire passaient le seuil de la porte.

— Je suis patient, dit mon grand cousin. Mais il me déplaît qu’on me fasse poser. Tes amis ne se pressent pas. Je vois les deux premiers qui arrivent en se balançant comme deux gendarmes en retraite. Quand les autres vont-ils nous arriver ? quand nous arrivera la foule de tes amis ?

— Les deux que tu vois sont les seuls que j’ai demandés.

— Les deux que je vois ? Tu n’as donc pas une foule d’amis ?

— J’en ai moins depuis que je suis malheureux. Mais ils sont meilleurs. Les deux qui nous attendent sous le gros poirier sont les seuls qui demeurent dans mon pays.

— Descendons. Je me contenterai de cette assistance. Nous ferons une réunion réduite. Et nous ajournerons le grand cérémonial, que l’on ne doit pas profaner.