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ŒUVRES DE PROSE

estime j’ai pour la robustesse et la droiture de Jaurès ; tu sais quel assentiment cordial et profond je donnais aux lumineuses démonstrations qu’il nous a produites au cours de l’affaire. Ce n’est pas sans étonnement et sans tristesse que je lis sous sa signature dans la Petite République du jeudi 16 novembre des phrases comme celles-ci : « Zévaès a eu raison de rappeler les principes essentiels de notre Parti. Il a eu raison d’opposer à l’ensemble de la classe capitaliste, que divisent des rivalités secondaires, mais qui est unie par un même intérêt essentiel, la revendication du prolétariat. »… « Et d’autre part ni Zévaès, ni ses amis, ne sont prêts à faire le jeu des nationalistes et de la réaction. »… « Et Zévaès, si élevé que soit son point de vue,… » Je ne veux pas me donner le ridicule de poursuivre M. Zévaès ; mais enfin nous l’avons connu, et quand on nous parle de son point de vue élevé, si élevé, nous sentons venir la vérité d’État. Or nous avons passé vingt mois et plus à distinguer et à faire distinguer la vérité d’État de la vérité. — Vous avez célébré à Paris le Triomphe de la République. Dans la Petite République du lendemain je trouve une manchette vraiment grandiose : Une Journée Historique.Paris au peuple. — Manifestation triomphale. — 500,000 travailleurs acclament le socialisme. Et dans l’Aurore je trouve une manchette plus modeste : Le Triomphe de la République. — Une Grande Journée. — Défilé de 250,000 Citoyens. Cela fait mauvais effet sur les simples d’esprit. Ne pourrons-nous pas, victorieux, imiter au moins la véracité des généraux anglais battus ? Allons-nous avoir une vérité officielle, une vérité d’État, une vérité de parti. Je le

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