Page:Peguy oeuvres completes 01.djvu/444

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Et moi non plus je ne savais pas, tout savant que mes bons maîtres m’aient fait.

— C’est la Voulzie, dit négligemment un qui était du pays.

Soudaine révélation : la Voulzie ! À ce nom merveilleux, à cette invocation soudaine, à ce nom mémorable, à ce nom de Voulzie, je frissonnai des pieds à la tête, comme je le fais, tout roi que je suis, toutes les fois que je suis introduit dans la présence d’un personnage célèbre. Une rougeur me monta au visage, un frissonnement chaud de la nuque. Vraiment c’était là cette immortelle Voulzie. D’un éclair ma mémoire fut présente, et dans ma mémoire ouverte les souvenirs du passé me remontèrent. Et d’un seul regard je recommençai le lent chemin de ma jeunesse. D’un regard je revis la bonne maison de Sainte-Barbe, et dans cette bonne maison libre d’enseignement libre la sombre, sévère, sérieuse et d’autant la douce étude habituelle, chaude en hiver, fraîche en été ; je revis la présidence du bon Potot ; je revis ma jeunesse, la jeunesse des poètes, Homère, et la jeunesse du monde. Découverte jeune et connaissance du monde par les livres amis. Voyages dans les pays où mon corps ne voyagera jamais. Images vues, que le regard de mon corps ne verra jamais. Voyages dans les temps éternellement abolis ; renaissance des âges qui ne renaîtront pas ; images vues, que nul regard d’homme jamais ne reverra ; existence prodigieuse des âges qui n’existeront plus ; résurrection, retour non encore éprouvé des âges éternellement révolus. Voyages dans les temps où nul corps d’homme jamais ne voyagera plus, par quelle soirée d’hiver de ma jeunesse ancienne, sous l’écheveau