Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/136

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sortie du colonel Picquart. Celle qui était sortie du colonel Picquart était très bien. Celle qui était sortie de Bernard-Lazare était infinie.

Il faut penser que, notamment dans cette consultation, qui fut littéralement son testament mystique, il ne s’opposait pas seulement au combisme, qui fut l’abus, la démagogie du système. Il s’était opposé, non moins vigoureusement, au waldeckisme, qui en était censément l’usage et la norme. Il n’était point allé seulement à l’abus, mais il était remonté à la racine même de l’usage. Il était allé, il était remonté à la racine, jusqu’à la racine. Naturellement, d’un mouvement, d’une requête, d’une réquisition naturelle, comme tout homme de pensée profonde. Il avait discerné l’effet dans la cause, l’abus dans l’usage. Il faut penser donc qu’il s’était opposé, de toutes ses forces, de tout ce qui lui restait de forces, non point au développement seulement, et aux promesses de développement, mais à l’origine même, au principe de la politique dreyfusiste. Il faut relire ce dossier, cette consultation, cette adjuration éloquente à Jaurès, presque cette mise en demeure, certainement déjà cette menace.

Il faut penser que c’était un homme, j’ai dit très précisément un prophète, pour qui tout l’appareil des puissances, la raison d’État, les puissances temporelles, les puissances politiques, les autorités de tout ordre, politiques, intellectuelles, mentales même ne pesaient pas une once devant une révolte, devant un mouvement de la conscience propre. On ne peut même en avoir aucune idée. Nous autres nous ne pouvons en avoir aucune idée. Quand nous nous révoltons contre une autorité, quand nous marchons contre les autorités, au moins