Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/282

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la mémoire, la fatigue, notamment pour la mémoire organique). On se sent tout à fait comme en manœuvres, où on se réveille toujours fatigué. On a les jambes raides en se réveillant, en étant réveillé trop tôt le matin avant jour dans la paille, (quand on a pu toucher de la paille) ; dans les brouillards du matin, dans les fins brouillards de septembre, dans les brouillards de la Loire et du Loiret, de la Somme, du Lunain et de l’Ornain, et de l’Orge, et du Cousin, et de l’Armançon, et du Petit et du Grand Morin on traîne lamentablement, raidement les premières poses. Les pieds vous font mal, vous cuisent, vous brûlent, toute la peau est excoriée. Mais une fois dérouillé, une fois décrassé, tout cela n’empêchera pas de chanter au soleil de midi. Car il s’établit une sorte d’équilibre de marche. Et on ne sait comment : les pieds ne sont plus excoriés. Ainsi vont les étapes journalières d’écrire à la table de travail. Il s’établit un certain équilibre de travail. La fatigue ne revient que le soir, au gîte d’étape, juste au moment de quitter.) l’inclinaison de la nuque sur les épaules dans le milieu entre les deux épaules, la plantaison de la tête sur les épaules par l’intermédiaire, par le ministère de la nuque, toute l’inclinaison (générale) du corps en avant dénonce, trahit ce que je suis, car je le deviens, puisque je le deviens : un paysan (non) égaré. L’inclinaison commençante générale vers la terre nourricière, vers la terre mère, vers la terre tombeau. L’inclinaison générale en avant. C’est ainsi qu’on finit par se ramasser par terre. Je sens déjà l’incurvation, l’incurvaison générale latérale transvers(al)e, horizontale aux épaules, verticale aux reins. Il faut dire aussi que c’est le courbement, la courbure, la courbature, l’inclinaison de l’écrivain sur