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nuité : elle est le génie de la France ; et la Guerre d’Europe qui est la guerre de France contre les Barbares, ne jette la moitié d’un monde contre l’autre, que pour forcer chaque État à être honnête homme. Dans la France, Péguy voit toujours le soldat de la cause idéale, qui est la justice, miles Christi. Elle ne lui serait pas si chère, toute paysanne, toute terre, toute solide qu’elle est, si elle n’était pas encore plus une patrie quasi mystique : il finit par la confondre dans un miracle de femme, Jeanne d’Arc. Ainsi, les mystères de Péguy sont la conversation intérieure de la patrie avec elle-même ; et c’est la plus durable beauté que je leur trouve.


III


Péguy est grand républicain, et républicain au fond de l’âme. Il l’eût toujours été, même avec un roi juste et sévère. Mais s’il eût vécu, s’il avait pu voir les armées de la République passer sous l’Arc de Triomphe, s’il avait pu lui-même mener sa troupe au pas sous la voûte la plus pleine de ciel humain et de gloire virile, qui ait jamais lancé son cri de peuple dans toute l’étendue de ce monde, il eût retrouvé la joie sans pareille des vainqueurs de la Révolution, d’Iéna et d'Austerlitz. Il en est.

Voilà ce que Stendhal sentait si fortement. Péguy eût dit, comme lui, de Napoléon que sa grandeur aurait été non pareille, s’il n’avait pas eu la faiblesse de brumaire, et de préférer la singerie de la royauté à la simple majesté de conduire héroïquement la Répu-