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à la vie. On veut toujours se survivre, en chair, en nom ou en esprit.

La gloire ne se sépare pas de la République, non plus que de la monarchie les honneurs et les titres. Il n’y a de vraie gloire que pour les âmes républicaines et pour les princes. Racine a été menacé du bâton, après Phèdre ; on ne connaît pas la gloire dans un État où un coquin, parce qu’il est issu du ventre d’une favorite ou sorti des reins d’un ministre, a licence de montrer le bâton à un prince des esprits.

D’ailleurs, le peuple est naturellement républicain, dès qu’il prend conscience de lui. Le peuple ne sert les puissances absolues qu’en son âge enfantin, quand il se laisse faire, qu’il ne pense pas et ne veut point. Fût-elle, à l’usage, le pire des gouvernements, la République est la cité idéale des hommes libres[1].

Il ne faut que rendre les hommes raisonnables et libres, pour sanctifier la République. Quelle que soit l’ironie d’un tel dessein, on gouverne mieux les hommes en leur proposant la grandeur et la beauté d’être libres, qu’en les consolant d’être esclaves, sous couleur qu’ils le sont volontairement, et pour le plus grand bien de l’ordre et de l’économie.



  1. « J’avoue que respublica est un mot d’une grandeur extraordinaire. »
    « Cette graphie des Respubliquains que l’on nous répète à satiété. Cela me paraît un peu du même ordre que les sots de l’autre côté qui écrivent toujours le roy. »
    « La République a pour elle toute la grandeur de la tradition républicaine. » Et toute la fin de notre jeunesse.