Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/366

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raisons. Il n’avait pas choisi un nom bien hébreu, mais il avait forgé un nom bien hébreu. En y pensant, c’était encore plus fort. Trouver un nom qui existe, tout le monde peut en faire autant. Trouver un nom qui n’existe pas, ça c’est le fin jeu. Et ce fut le deuxième temps.

Deux ans passèrent. Il n’y aurait jamais eu de troisième temps si un jeune homme avisé n’avait un jour écrit au crayon sur un morceau de papier cette phrase que je livre à vos méditations :

               J’ai rime à dait.


Et aussitôt ce fut un grand éblouissement dans les esprits et beaucoup d’yeux se dessillèrent. Les écailles leur tomberont des yeux. C’était peut-être ça un peu je pense ce que nos bons maîtres nommaient renouveler la question, renouveler l’état de la question. Vous me demandâtes, mon ami, si c’était moi qui avais fait cette invention, (cette découverte ?). Il était évident que ce n’était pas moi. Un jeune homme, ce n’était pas moi. Avisé, ce n’était pas moi. Si j’avais jamais été un jeune homme avisé, mon cher Halévy, quelle ne serait pas aujourd’hui ma fortune. Je n’usurperai point une gloire vaine. Je ne me parerai point d’une vaine perspicacité. Je vous répondis que j’avais trouvé ce tuyau il y a déjà quelques années dans une jeune petite revue que l’on m’envoyait, et que l’article, autant que je me souvienne, était signé d’un nom aujourd’hui déjà beaucoup plus connu, car il était, je pense, signé du nom de M. Eugène Marsan, attaché aujourd’hui à la Revue