Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/368

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dans le secret, dans l’opération même de la création (charnelle) ; et même littéralement de l’incarnation, c’est-à-dire littéralement de la mise en chair, de l’insertion de l’éternel dans le temporel. Il a bien senti que d’un coup, par un coup de maître il saisissait, il étreignait, il dominait tout ce monde charnel, temporel et charnel, tout ce monde de la fécondité, de la perpétuité charnelle, de la race charnelle, et même, par là, même l’entrée, l’inscription, l’insertion de l’éternel dans le temporel, de l’éternel dans le charnel, de la vie éternelle dans la vie charnelle.

Et homo factus est. Les païens et les Juifs ne considèrent généralement pas l’incarnation. Les chrétiens la considèrent (moins qu’ils ne devraient, mais enfin ils la considèrent, au moins professionnellement, beaucoup politiquement, beaucoup habituellement, usagèrement, quelques-uns, (autrefois tout le peuple), mystiquement), mais professionnellement même pour ainsi dire, justement, par un effet de leur discipline même et de leur orientation, je veux dire très exactement du sens où ils sont tournés, où ils ont l’esprit tourné, où ils ont l’âme tournée, où ils ont le cœur tourné habituellement, usagèrement et même mystiquement ils ne la considèrent guère que venant de l’éternel, du côté de l’éternel, procédant de l’éternel, ab aeterno, ab aeternitate. Ce qui fait la valeur unique de ce poème, (et ce qui en fait infiniment plus qu’un poème, (et Hugo le sentait bien, le gueux, le vieux, le savait bien), c’est que c’est peut-être la seule fois que nous ayons aussi purement, aussi à plein, et sans doute même absolument la seule fois que nous ayons un regard païen, (et