Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/389

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ces soirs sereins de mai ou de juin, de fin mai ou du commencement de juin, et il n’y a jamais eu d’aussi beaux soirs,

J’aime les soirs sereins et beaux, j’aime les soirs,


qu’un homme que nous avons vu enterrer au Panthéon (et enfin nous avons au moins vu Leconte de Lisle, qui fut son successeur), et lui-même, si nous avions été à Paris seulement, par hasard, au lieu d’être à Orléans, né à Paris, grandi, élevé à Paris, lui-même nous le voyions, lui et son enterrement, fût un des plus grands poètes païens qu’il y ait jamais eu dans le monde ; et sinon par le cœur du moins par le génie un des plus grands poètes, un des plus grands païens qu’il y ait jamais eu ; qu’un homme qui était sénateur de la troisième République, qui portait un haut de forme comme tout le monde, quand il fallait, et un parapluie quand il pleuvait fût en même temps dans les temps modernes un homme situé aussi près de la source charnelle, sinon plus près, un homme qui buvait dans le creux de sa main, à la source de la création charnelle, d’aussi près, sinon de plus près que les plus grands des Anciens, que les plus anciens des païens, et que les premiers des Premiers, c’est là un de ces défis que la France tient, et que seule elle peut tenir, que seule elle peut porter, c’est là un de ces cadeaux que de temps à autre elle apporte à l’univers, que seule elle peut apporter ; qu’elle fait au monde, pour l’ébahissement du monde ; on aurait presque la tentation, on serait presque tenté de dire : C’est une de ces fantaisies qu’elle se passe de temps à autre, et que seule dans le monde, seule dans l’univers