Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/480

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comme les (anciens) jésuites, et comme les (anciens) rabbins, qui a les charges, qui a le gouvernement temporel, toutes les puissances temporelles. Qui a les concours et les examens. Une exigence, une tyrannie temporelle intellectuelle, je veux dire temporelle en matière intellectuelle comme jamais les Français d’aucun régime n’en eussent supporté une, ne l’eussent supportée. Les Français d’aucun ancien régime, d’aucun autre régime. Ni de l’ancien régime royaliste, ni de l’ancien régime républicain. Singulier phénomène, singulière contradiction. Situation singulière, situation tragique. Des hommes que nous payons quinze mille francs par an pour enseigner, c’est-à-dire, je pense, pour maintenir le grec, le latin, le français, ont trahi le grec, ont trahi le latin, ont trahi le français ; et ces trois grandes cultures ne sont plus défendues que par des pauvres et des misérables ; comme nous ; elles ne sont plus maintenues que par des gueux ; comme nous ; par des individualités sans mandat. Par de pauvres professeurs, je veux dire par des professeurs pauvres de collèges et de lycées. Et en dehors de l’Université, ou plutôt jointement à l’Université, par des journalistes, (car heureusement nous ne sommes pas les seuls), (et nous sommes de plus en plus nombreux tous les jours, et bientôt nous serons légion), dans des articles de journaux et de revues. Dans des fascicules, dans des brochures, dans des livres. Dans les cahiers. On peut dire que l’Université aujourd’hui reçoit beaucoup plus de véritable secours de son dehors que de son dedans. Et ce qu’il y a de plus fort peut-être dans tout ce débat, c’est que le pouvoir bureaucratique lui-même, les bureaux du Ministère de l’Instruction publique, le parti bureaucra-