Page:Peguy oeuvres completes 04.djvu/491

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(vraiment, véritablement) scientifiques. Elles vous eussent enseigné des prudences ; mais c’est bien ce que vous redoutez le plus. La botanique par exemple, où est le botaniste qui dirait, et n’enfermerait-on pas incontinent le botaniste qui dirait : Mesdames et messieurs je vais vous pousser non pas une romance mais une analyse épuisante de ces vingt mètres cubes de terre, une analyse si parfaitement épuisante qu’écoutez-moi bien : il ne s’agira plus après, il ne sera plus aucunement intéressant, absolument aucunement, il ne sera plus question, pour savoir l’histoire, l’événement de l’arbre qui poussera dedans, de savoir ensuite si ensuite on y mettra, si on y laissera tomber un marron ou un gland. Cela n’aura plus aucune importance, aucune espèce d’importance, une importance mathématiquement égale à zéro. On l’enfermerait, le botaniste. C’est pourtant exactement ce que veulent, ce que nous veulent nos nouveaux littéraires. Ils font en vingt volumes une analyse épuisante. Censément épuisante. Épuisante de quoi. De tout ce qui n’est pas le texte. (Naturellement). De tout ce qui est extérieur au texte. Si on le pouvait de tout ce qui est étranger au texte. Ensuite ils professent. Je veux dire à la fois qu’ensemble ils enseignent et ensemble ils font profession. Nous avons fait, disent-ils, nous avons fait en vingt volumes cette analyse épuisante. Nous connaissons parfaitement tout ce qui n’est pas le texte, tout l’extrinsèque, tout l’extratexte ; totalement, intégralement, absolument ; scientifiquement ; ils veulent dire métaphysiquement, mais il n’en ont pas le courage ; et puis ils ne sont pas forcés de parler français ; c’est l’écrivain qui est forcé de parler français. Qu’importe, disent-ils