Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/432

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Ou même qui vont se promener quelque part.

Mais les enfants ce qui les intéresse ce n’est que de faire le chemin.

D’aller et de venir et de sauter. D’user le chemin avec leurs jambes.
De n’en avoir jamais assez. Et de sentir pousser leurs jambes.

Ils boivent le chemin. Ils ont soif du chemin. Ils n’en ont jamais assez.

Ils sont plus forts que le chemin. Ils sont plus forts que la fatigue.

Ils n’en ont jamais assez (Ainsi est l’espérance) Ils courent plus vite que le chemin.

Ils ne vont pas, ils ne courent pas pour arriver. Ils arrivent pour courir. Ils arrivent pour aller. Ainsi est l’espérance. Ils ne ménagent pas leurs pas. L’idée ne leur viendrait même pas

De ménager quoi que ce fût.
Ce sont les grandes personnes qui ménagent.
Hélas elles sont bien forcées. Mais l’enfant Espérance
Ne ménage jamais rien.

Ce sont les parents qui ménagent. Triste vertu, hélas qu’ils ne s’en fassent point une vertu.

Ils sont bien forcés. Si solide que soit ma fille la Foi,
Ferme comme un roc elle est bien forcée de ménager.
Si ardente que soit ma fille la Charité
Brûlante comme un beau feu de bois
Qui réchauffe le pauvre dans la cheminée
Le pauvre et l’enfant et le mourant de faim.
Elle est bien forcée de ménager.
La seule enfant Espérance
Est la seule qui ne ménage jamais rien.