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Ô belle nuit, nuit au grand manteau, ma fille au manteau étoilé

Tu me rappelles, à moi-même tu me rappelles ce grand silence qu’il y avait

Avant que j’eusse ouvert les écluses d’ingratitude.

Et tu m’annonces, à moi-même tu m’annonces ce grand silence qu’il y aura

Quand je les aurai fermées.

Ô douce, ô grande, ô sainte, ô belle nuit, peut-être la plus sainte de mes filles, nuit à la grande robe, à la robe étoilée

Tu me rappelles ce grand silence qu’il y avait dans le monde
Avant le commencement du règne de l’homme.
Tu m’annonces ce grand silence qu’il y aura
Après la fin du règne de l’homme, quand j’aurai repris mon sceptre.

Et j’y pense quelquefois d’avance, car cet homme fait vraiment beaucoup de bruit.

Mais surtout, Nuit, tu me rappelles cette nuit.
Et je me la rappellerai éternellement.

La neuvième heure avait sonné. C’était dans le pays de mon peuple d’Israël.

Tout était consommé. Cette énorme aventure.

Depuis la sixième heure il y avait eu des ténèbres sur tout le pays, jusqu’à la neuvième heure.

Tout était consommé. Ne parlons plus de cela. Ça me fait mal.
Cette incroyable descente de mon fils parmi les hommes.
Chez les hommes.
Pour ce qu’ils en ont fait.
Ces trente ans qu’il fut charpentier chez les hommes.