Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/71

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réchappent. C’était la terre, hélas, quelquefois, souvent c’était la terre qui préparait à l’enfer. Aujourd’hui ce n’est plus même cela ; ce n’est plus la terre qui prépare à l’enfer. C’est l’enfer même qui redéborde sur la terre. Qu’est-ce qu’il y a donc, mon Dieu, qu’est-ce qu’il y a donc de changé, qu’est-ce qu’il y a donc de nouveau. Qu’avez-vous fait de ce peuple, de votre peuple chrétien. Faudra-t-il que vous ayez envoyé votre Fils en vain et sera-t-il dit que Jésus sera mort en vain, votre Fils qui est mort pour nous. Sera-t-il dit que vous n’aurez point fait cesser la grande pitié qui est au royaume de France.

Un silence.

Jésus, Jésus, un jour sur une montagne de ce pays-là vous avez eu pitié du peuple, vous avez pleuré sur cette foule, et cette foule avait faim et pour la nourrir, pour apaiser la faim de son corps, pour rassasier sa faim charnelle vous avez multiplié les poissons et les pains.

Jésus, Jésus, Jésus, aujourd’hui votre peuple a faim et vous ne rassasiez pas votre peuple. Aujourd’hui dans ce pays-ci votre peuple d’aujourd’hui, dans votre Lorraine de chrétienté, dans votre France de chrétienté, dans votre chrétienté votre peuple de chrétienté a faim. Il manque de tout. Il manque du pain charnel. Il manque du pain spirituel. Et pour le nourrir, pour lui rassasier son une et l’autre faim, pour lui donner le pain de son corps et le pain de son âme sera-t-il dit que vous ne seriez plus parmi nous. Sera-t-il dit que vous ne multipliez plus, que vous ne multiplierez pas les poissons secs et les pains.

Vous ne pleurerez pas sur cette multitude.

Un silence.