Page:Peguy oeuvres completes 05.djvu/97

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mains pécheresses ne démoliront, ne souilleront éternellement jamais. Il y a une autre Église que toutes les églises de la terre de chrétienté.

Jeannette

— Encore quand ces soldats romains osaient toucher votre corps périssable, votre impérissable corps, au moins ils ne savaient pas que vous étiez le fils de Dieu. Mais ceux-ci, des chrétiens, des soldats chrétiens, baptisés dans leurs paroisses par les curés de leurs paroisses par les soins de leur père et de leur mère assistés de leurs parrain et marraine, ceux-ci vous outragent, connaissant qui vous êtes ; ceux-ci vous profanent, sachant qui vous êtes, profanent votre corps. En vérité, mon Dieu, ils ne savent qu’inventer, ils ne savent quel mal faire ; on commet à présent des péchés que l’on n’avait jamais commis. On ne sait pas quoi inventer.

Des péchés que l’on ne pourrait pas soupçonner.

Madame Gervaise

— Je le sais, ma fille.

Et je sais que la damnation va comme un flot montant où les âmes se noient.

Et je sais que ton âme est douloureuse à mort, quand tu vois l’éternelle, la croissante éternelle damnation des âmes.

Jeannette

— Savez-vous, madame Gervaise, que nous, qui voyons tout cela se passer sous nos yeux sans rien faire à présent que des charités vaines…