Page:Peguy oeuvres completes 06.djvu/191

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Et j’ai vu perler sous les griffes de fer

Des gouttes de sang qui resplendissaient comme des diamants.

Et j’ai vu perler des larmes d’amour
Qui dureront plus longtemps que les étoiles du ciel.

Et j’ai vu des regards de prière, des regards de tendresse,

Perdus de charité
Qui brilleront éternellement dans les nuits et les nuits.

Et j’ai vu des vies tout entières de la naissance à la mort,

Du baptême au viatique,
Se dérouler comme un bel écheveau de laine.

Or je le dis, dit Dieu, je ne connais rien d’aussi beau dans tout le monde

Qu’un petit enfant qui s’endort en faisant sa prière
Sous l’aile de son ange gardien
Et qui rit aux anges en commençant de s’endormir.

Et qui déjà mêle tout ça ensemble et qui n’y comprend plus rien

Et qui fourre les paroles du Notre Père à tort et à travers pêle-mêle dans les paroles du Je vous salue Marie.

Pendant qu’un voile déjà descend sur ses paupières
Le voile de la nuit sur son regard et sur sa voix.

J’ai vu les plus grands saints, dit Dieu. Eh bien je vous le dis.

Je n’ai jamais rien vu de si drôle et par conséquent je ne connais rien de si beau dans le monde

Que cet enfant qui s’endort en faisant sa prière
(Que ce petit être qui s’endort de confiance)

Et qui mélange son Notre Père avec son Je vous salue Marie.