Page:Peguy oeuvres completes 06.djvu/38

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Laissez-moi donc faire mon métier et ne faites pas
Des métiers qui n’ont pas à être faits.
Vos péchés sont-ils si précieux qu’il faille les cataloguer et les classer
Et les enregistrer et les aligner sur des tables de pierre
Et les graver et les compter et les calculer et les compulser
Et les compiler et les revoir et les repasser
Et les supputer et vous les imputer éternellement
Et les commémorer avec on ne sait quelle sorte de piété.
Comme nous dans le ciel nous lions les gerbes éternelles,
Et les sacs de prière et les sacs de mérite

Et les sacs de vertus et les sacs de grâce dans nos impérissables greniers

Pauvres imitateurs, allez-vous à présent vous mêler, —
Et imitateurs contraires, imitateurs à l’envers, —
Allez-vous vous mettre à lier tous les soirs
Les misérables gerbes de vos affreux péchés de chaque jour.

Quand ce ne serait que pour les brûler, c’est encore trop. Ils n’en valent même pas la peine.

Pas même de cela même.
Vous n’y pensez que trop, à vos péchés.
Vous feriez mieux d’y penser pour ne point les commettre.

Pendant qu’il en est encore temps, mon garçon, pendant qu’ils ne sont point encore commis. Vous feriez mieux d’y penser un peu plus alors.

Mais le soir ne liez point ces gerbes vaines. Depuis quand le laboureur

Fait-il des gerbes d’ivraie et de chiendent. On fait des gerbes de blé, mon ami.