Page:Peguy oeuvres completes 13.djvu/151

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traitement, la moindre amitié, la moindre paternité spirituelle en fait un féal. Une accumulation de mauvais traitements finit par en faire un révolté.

Nous le voyons assez toutes les fois qu’au régiment nous retrouvons « les hommes », nos Français comme ils sont, libérés de toutes les servitudes sociales, réaiguisés de tous les émoussements sociaux. Car l’homme n’est jamais libre qu’au régiment. Et nous aussi nous ne sommes jamais libres qu’au régiment. Hors des servitudes civiles ; hors des émoussements civils. Sensible au bon procédé, sensible au mauvais ; sensible au mot courtois, sensible à l’injure ; suivant jusqu’à la mort le chef ami, le chef aimé, le chef courtois, haïssant à mort le chef discourtois, le chef injurieux, tel est le Français, tel est le peuple, tels nous sommes. Il n’y avait pas de crise de la Sorbonne quand un homme comme Gaston Paris, quand un homme comme Brunetière, l’un austère et doux, l’autre austère et apparemment dur et secrètement tendre faisaient, et largement, leur devoir d’aînés envers toute une pléiade, envers toute une génération, envers toute une promotion. Installant précisément au pouvoir spirituel en l’installant au pouvoir temporel précisément cette génération, ce parti qui aujourd’hui veut fermer les portes derrière lui, qui refuse de continuer le mouvement, la tradition du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Parti doublement coupable, qui ne veut plus derrière lui que des esclaves spirituels et temporels, qui ne veut même plus d’élèves derrière lui, loin qu’il y veuille des hommes libres. Parti doublement coupable, car ce flambeau de tradition qu’il refuse de léguer, qu’il refuse de passer, quem tradere non vult, ce flambeau de commandement, spirituel, temporel, ce