Page:Pelletan – Le Droit de parler, 1862.pdf/22

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hautement l’égalité à la liberté, sans trop savoir ce qu’ils disent, car la liberté et l’égalité représentent les deux faces d’une même médaille.

Me plaçant donc au point de vue de ces libéraux patients qui veulent nous consoler de la liberté par le spectacle de l’égalité, je leur demanderai comment ils peuvent concilier leur principe avec le système de l’autorisation. Car enfin l’égalité ne représente qu’une fiction, ou bien elle signifie que chacun de nous possède exactement le même droit, pesé à la même balance.

Mais l’autorisation préalable partage la presse militante en deux classes, en une classe privilégiée et une autre disgraciée, en noblesse, à proprement parler, et en roture de l’écritoire. Je veux fonder un journal, je me présente au pouvoir ; il me répond : Je ne te connais pas. Passe ton chemin. Et à peine ai-je quitté le seuil de l’antichambre que par cette même porte et à la même minute, je vois entrer un autre postulant qui va recevoir, quoi ? précisément le blanc-seing qu’on vient de me refuser.

Voilà donc l’État, qui du haut de sa majesté impersonnelle ne doit connaître que la nation et ne traiter qu’avec elle, obligé de descendre à de misérables questions de personnes, condamné à discuter des noms propres, des individus, des talents, des opinions. De quel droit et sur quel fondement ? Car enfin, lorsque M. de Persigny revendique courageusement devant l’opinion un pouvoir dictatorial et arbitraire sur la presse, il sous-entend à coup sûr que, dans l’exercice de ce pouvoir, il obéira le premier à une dictature plus puissante encore que sa propre dictature, à l’omnipotence de la raison.