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que le quartier Saint-Antoine, le Château-d’Eau, etc. À quoi bon prolonger indéfiniment cette triste narration d’horreurs ? Le lecteur sait maintenant quelle accumulation de cadavres la victoire du parti de l’ordre laissait à chacune de ses étapes.


XVI

LA TERREUR

Jusqu’ici nous n’avons vu que les fusillades faites dans les quelques heures qui suivaient le combat. Derrière, on tuait encore ; on tuait loin de la bataille, dans des quartiers pris depuis deux ou trois jours ; on tuait froidement, de parti pris, depuis la porte d’Auteuil, par laquelle on était entré le dimanche 21 mai, jusqu’à la ligne occupée par les troupes ; et les progrès de l’armée avaient pour premier résultat d’agrandir le champ du massacre.

Un correspondant du Times, dans le numéro du 27 mai, raconte d’une fort curieuse façon une promenade de nuit dans Paris. Rien n’était sinistre (tous les témoins s’en souviennent) comme l’aspect des rues, le soleil couché. Pas une lumière : toutes les portes s’étaient refermées, toutes les fenêtres éteintes. Il ne restait, dans la nuit noire, que des malheureux sans asile, trébuchant sur les cadavres ou sur les monceaux de pavés des barricades. Le correspondant du Times traversait avec un ami anglais les rues désertes de la ville muette, quand, à la Bourse, il entendit éclater un grand bruit de tambours ; il s’informa, c’était la garde nationale à brassard qui se réunissait : le parti de l’ordre se montrait.