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XXIII

SALVADOR ET VARLIN

L’exécution de Millière montre comment on faisait un procès politique sous la Commune. Les chassepots instruisaient l’affaire, jugeaient l’accusé, exécutaient la sentence. La charge du fusil constituait toute la procédure.

Notez qu’on recherchait partout ceux qui avaient touché de près ou de loin à la Commune. La police était sur leur piste ; la police volontaire des dénonciateurs les signalait. Je ne veux pas énumérer toutes les fusillades d’hommes politiques ou de fonctionnaires de la Commune ; mais il faut en raconter deux encore : la première tout à fait caractéristique par le choix de la victime.

M. Salvador ne passait point pour un révolutionnaire dangereux : j’ignore si la politique l’occupait beaucoup, je sais seulement que sous l’empire il avait fait des conférences très intéressantes et très suivies sur la musique arabe. La part qu’il prit au mouvement communal est modeste : il fut nommé directeur du Conservatoire. Si je ne me trompe, c’est peu avant l’entrée des troupes qu’on lui donna la place de M. Auber : les forts ne tenaient plus ; le Point-du-Jour était écrasé d’obus : et l’on fut assez surpris de voir les hommes de l’Hôtel-de-Ville choisir ce moment pour songer au Conservatoire ; il s’agissait alors d’une bien autre musique.

Salvador usurpa donc quelques jours cette fonction peu dangereuse. Ce fut son crime. Quand les troupes