Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à m’échapper, continue-t-il, en fuyant et en prenant par la rue Cadet. Saisi immédiatement au collet, je l’ai maintenu en mon pouvoir et entraîné ainsi jusqu’à la rue Lafayette, où j’ai requis quelques hommes de l’armée de ligne. »

Alors on lui attacha les deux mains. M. Maxime Ducamp essaye de nier le fait. « Je crois savoir que non, » écrit-il. Nous croyons savoir que si ; le rapport de M. Sicre le dit formellement : « Après lui avoir fait lier solidement les mains derrière le dos avec une courroie… » Un ancien caporal de ligne, témoin de la mort de Varlin m’écrit : « Il a été conduit jusqu’au lieu du supplice les mains fortement liées. » Puis commença pour le malheureux cette horrible promenade au milieu des insultes de toutes sortes, qui devait se prolonger jusqu’à la rue des Rosiers. « On a prétendu, dit M. Ducamp, que par un raffinement de cruauté on avait conduit Varlin jusqu’au sommet des buttes Montmartre. Il n’y eut là aucune cruauté, mais un fait naturel imposé par la discipline militaire. » Nos lecteurs savent ce que vaut la raison donnée, et si l’on se croyait obligé d’en référer à l’autorité supérieure avant de fusiller les gens.

Le prisonnier fut conduit, les mains liées, au général Laveaucoupet, alors installé dans le XVIIIe arrondissement. D’après M. Maxime Ducamp, les insultes auraient commencé à Montmartre : le fait serait invraisemblable, il est contredit par le journal orléaniste le Tricolore, qui constate que le prisonnier n’y arriva qu’avec beaucoup de peine. Ce fut si hideux, que M. Ducamp lui-même appelle cette marche un « supplice », et les insulteurs de la foule « des bourreaux ». « Les soldats, dit-il, eurent grande peine à le protéger… on criait : à mort !… Plus de mille femelles accompagnées de quelques mâles, pressaient les soldats. Varlin