Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/172

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Vallès, tué rue des Prêtres ; un de nos collaborateurs de la Justice, M. C. Lainé, l’a connu, et tient de la mère de la victime la confirmation du fait. D’ailleurs, un médecin, hautement estimé, aujourd’hui conseiller municipal de Paris, notre ami le docteur Paul Dubois, a assisté au drame, et a bien voulu me fournir les détails les plus précis.

Le prétendu Vallès s’appelait Martin. C’était un jeune homme de vingt-six ans, ayant quelque fortune. Il vivait au quartier Latin et prenait ses repas à la pension Laveur, bien connue des artistes et des hommes de lettres. Courbet, Vallès y mangeaient habituellement. Il en sortait quand, à la place Saint-André-des-Arts, il fut pris pour Vallès, on ne sait pourquoi : il ne ressemblait nullement à l’auteur des Réfractaires. On le conduisit à la place du Châtelet ; la foule criait : « À mort ! À mort ! » On ne prit même pas la peine de le conduire devant la cour martiale, ni de s’enquérir de son identité ! D’après le Paris-Journal du 1er juin, le faux Vallès se débattait furieusement et se jetait à la gorge de l’officier qui le conduisait. On lui faisait lâcher prise à coups de crosse et à coups de pied. En passant devant la petite rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, le prisonnier se jeta encore sur l’officier. Deux coups de crosse l’étendirent. Puis on le fusilla.

La feuille conservatrice ajoute au prétendu Vallès un prétendu Ferré, qu’on aurait exécuté en même temps. Elle termine son récit ainsi : « La foule regarda quelque temps le cadavre des deux bandits, puis des applaudissements unanimes éclatèrent. C’était le jeudi. »

Ce récit n’est pas absolument exact. Le docteur P. Dubois, passant devant la rue des Prêtres, vit arriver le prisonnier. Il était escorté par trois soldats, avec un capitaine d’infanterie, sabre en main, et suivi par