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cent exotique, que sais-je encore ? amenaient au foyer du Châtelet, par fournées, les malheureux qu’en quelques minutes leur trouble, leur émotion, un caprice de juge, au milieu des clameurs féroces de la foule, faisaient, par fournées aussi, envoyer à la mort.

Au Châtelet comme au Luxembourg, le tribunal évitait d’appeler la mort par son nom…

Un des plus féroces parents et lieutenants de Mehemet-Ali, envoyé par le despote égyptien dans le Haut-Nil, avait trouvé pour les ordres de tuerie un ingénieux synonyme. Quand il voulait se débarrasser d’un homme, il disait : « Menez-le au juge d’instruction. » Le juge d’instruction était un canon à la bouche duquel on liait le malheureux : puis on tirait.

M. Vabre avait une expression différente, mais aussi ingénieuse. Il ne disait pas « le juge d’instruction », mais « la brigade ». — Le journal la Nation française, du 1er juin, écrit :

« Quand le grand prévôt dit ces mots : transférez à la brigade, l’accusé n’a plus qu’à recommander son âme à Dieu. Il ignore cependant généralement ce que ces mots signifient et n’apprend son sort qu’en entrant dans la cour de la caserne. »

Le Gaulois du 29 mai fournit un renseignement de plus :

« Après le jugement, le président les fait passer par la porte de droite ou par celle de gauche, suivant leur degré de culpabilité.

» Ceux qui sortent par la porte de droite sont dirigés sur Versailles, dans les convois de prisonniers conduits à Satory.

» Ceux qui sortent par la porte de gauche sont entraînés à la caserne Lobau et immédiatement fusillés. »

À la porte du Châtelet, la locution changeait : les