Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/272

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propres. Évidemment, ce n’est plus même de la férocité : c’est une espèce de malfaisance maniaque et inconsciente.

Et puis, imaginez l’état d’esprit de la plupart des soldats, gars arrachés à leur campagne : on leur avait monté la tête avec soin, avant l’entrée dans Paris ; leurs chefs leur disaient : fusillez ; la foule applaudissait au massacre. Ils ne voyaient pas plus loin : ils tuaient. J’ai entre les mains une pièce bien curieuse au sujet de leur état moral. On connaît les fameuses lettres de Boquillon. Imaginez Boquillon racontant, avec son orthographe et son style, l’épouvantable boucherie à laquelle il prend part. Je tiens à dire, avant de mettre la pièce sous les yeux du lecteur, que je garantis absolument son authenticité. Un de nos principaux collaborateurs de la Justice connaissait, dès l’enfance, l’artilleur qui a écrit cette lettre. Pendant la Commune, en 1871, notre collaborateur se trouvait encore dans la petite ville où habitait la famille du soldat. La lettre datée du 22 mai, arrivée le 25, fut aussitôt communiquée à notre collaborateur, qui l’a lue, relue le jour même où elle arriva : un de ses amis en prit copie : c’est cette copie, faite le 25 mai, que j’ai eue entre les mains. Ceci dit, voici la lettre dont je ne supprime que la signature :


» Billancourt, le 22 mai 1871.
» Cher père,

» Le grand coup et arrivé notre batterie nomé la 2e du 4e regiment d’artillerie était condanné à mort par les garde nationeau. Je vous diré que pendant un jour et une nuit nous avons tiré le canon sur le pont du jour, tousjoure en bresche et nous avons fini par le démolir le 21 mai à 4 heures du soir nous avons vus le drapeau tricolore sur le haut, les marins et la ligne nous criait