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reux, qui avait une hernie, arriva avec la poitrine labourée de coups de sabre. Suivant la règle des convois, ses deux compagnons de droite et de gauche devaient le traîner. En arrivant, ils tombèrent d’insolation tous deux.

Après Ville-d’Avray, les soldats devinrent plaisants ; ils adressèrent aux prisonniers toutes sortes d’agréables railleries. — « En voilà un qui a une belle paire de bottines ! Elle nous reviendra avant peu ! » (Tous les cadavres des fusillés étant rapidement déchaussés). — « Oh ! tout à l’heure vous n’aurez plus si chaud ! vous n’aurez plus besoin de rien ! » — « Eh ! l’homme aux lunettes, vois-tu bien loin devant toi ? »

C’est ainsi qu’on arriva à Versailles. Comme on allait passer la grille, l’officier fit arrêter la colonne, et lui adressa une allocution sur la ville du grand Roi où elle allait entrer. La conclusion de cette allocution était un ordre aux prisonniers de s’agenouiller devant l’entrée de cette ville monarchique, en façon d’amende honorable faite par Paris à Versailles, par les « communeux » supposés au souvenir de Louis XIV. Et la colonne dut obéir.

Suivons un troisième convoi.

C’est celui que, dans un précédent article, le lecteur a vu partir de la mairie de Montmartre. Celui-là était étroitement cordé. Il avait, dans ses rangs, une femme à la dernière période de la grossesse, et qui craignait d’accoucher en route. Cette femme racontait à ses compagnons qu’ayant envoyé son petit garçon en commission, et ne le voyant pas revenir, elle était sortie à sa recherche ; que, dans la rue, au milieu du sifflement des balles, elle était tombée évanouie ; que les soldats l’avaient trouvée là et arrêtée comme ayant fait le coup de feu.