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colère qu’elles assouvirent depuis si impitoyablement.

À cette époque, il était impossible de se soustraire à l’action de milieux aussi brûlants que les deux villes ennemies. On a souvent parlé de la « maladie » qu’on gagnait à respirer l’air de Paris, et l’on a dit juste. Pour être complet, il y faut ajouter la maladie contraire que l’on contractait dans l’atmosphère de Versailles. Aucun esprit, si entier qu’il fût, ne résistait à ces influences. Deux hommes ayant exactement la même opinion politique, et jetés par le hasard, l’un dans la grande ville, l’autre dans la nouvelle capitale, ne pouvaient plus causer, au bout de huit jours, sans se considérer comme des scélérats.

Il faut feuilleter les journaux du temps pour concevoir l’état d’exaltation dans laquelle on vivait. Des hommes sortis de Paris depuis un mois, s’en faisaient une idée aussi fantastique que celle que les Chinois peuvent se faire de l’Europe. À quatre lieues de distance, on s’ignorait plus qu’on n’ignore les antipodes.

Paris était traité, ou de maison de fous, ou de caverne de brigands. Je trouve dans les feuilles de Versailles, surtout dans le Gaulois, alors le plus lu de l’armée, tantôt des nouvelles d’un vaste massacre comme ceux de l’Abbaye, tantôt le récit de prétendues scènes de pillage par des bataillons de femmes qui allaient quotidiennement dévaliser les maisons une à une.

L’état de surexcitation où l’on vivait se traduisait par de véritables monstruosités. Le rédacteur en chef du Gaulois se reprochait, dans son journal, de n’avoir pas encore dénoncé à la police ceux de ses amis présents à Versailles, et coupables de sympathies pour la cause parisienne[1]. L’exemple le plus triste et le plus con-

  1. Il s’agit dans cet article des gens qui « ont une préférence secrète pour la Commune ». — « Nous leur parlons comme à d’an-