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leurs misérables et minces guenilles (pendant plusieurs jours) ; et la nuit, obligés de s’étendre, tout de leur long, dans une mare de fange sous l’averse ! La paille qu’on leur avait distribuée était devenue bientôt un immonde fumier. Ils étaient enduits d’une couche de boue. Et toujours la pluie ; le froid humide ; les dents claquant, le corps grelottant, le sommeil impossible !

La première pluie fut déjà atroce. On avait donné l’ordre de rester couché. C’était impossible : rester huit heures étendu dans ce cloaque ! Quelques-uns n’y tenaient pas, se levaient. On les avertit qu’on tirerait sur eux, et, en effet, chaque fois qu’une forme noire se dressait dans l’ombre, les sentinelles tiraient ! Et ceux qui avaient pu fermer les yeux, étaient réveillés par les détonations ! Et il y avait là des femmes, des enfants, notamment une femme avec cinq enfants, dont un à la mamelle !

Le lendemain, pour se réchauffer, on faisait « la mer ». Un des prisonniers, dont j’ai la relation sous les yeux, un industriel, arrêté par erreur, décrit ainsi cet exercice :

« Deux hommes se mettent dos à dos, et se balancent. D’autres viennent se juxtaposer sur les deux premiers, puis d’autres encore, en suivant le mouvement de va-et-vient. On formait ainsi des groupes d’une centaine. Il s’élevait au-dessus d’eux une vapeur épaisse comme celle de l’eau bouillante. »

C’est à partir de cette nuit-là qu’on perça dans les murs les fameuses embrasures. On plaça à chacune d’elles une sentinelle avec un fusil, ou une mitrailleuse, ou un canon chargé à mitraille, pour tirer dans le tas au premier mouvement. Les journaux de Versailles, le Times ont décrit ces préparatifs.

Un détail est hideux : je voudrais en douter, c’est im-