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» Le seul agent commis à ma garde en ce moment et qui s’était accroupi dans un coin, s’était réveillé aux cris de la vieille dame, sans rien comprendre à la scène qui venait de se passer. »

Ce n’était pas là un fait isolé. Quand le seul rédacteur du Rappel compris dans l’arrestation opérée au 18 de la rue de Valois fut envoyé aux pontons, on le fit entrer, avec ses compagnons, à la station, dont les grilles de fer étaient fermées, et qu’on n’ouvrit que pour le convoi. — Sur le quai de la gare, on avait installé des fauteuils et des canapés pour le public privilégié qui venait regarder l’embarquement des malheureux. Des dames se montraient de l’éventail ces bêtes curieuses, — on devine avec quelles réflexions.

Nous quitterons les captifs ici… Si nous voulions les suivre, que de tortures nous trouverions encore ! Les voilà entassés pour des voyages de vingt-quatre heures dans des wagons à bestiaux… mais les bestiaux sont plus heureux… On fait entrer là tout ce qui peut matériellement y entrer de prisonniers, une masse compacte de corps humains… Et puis, toutes les ouvertures sont fermées, on étouffe. Et si, à un arrêt, les malheureux se révoltent, font tapage, un agent de police, par l’étroite prise d’air, passe le canon de son revolver et tire… Vous n’y pouvez pas croire ?… Ce sont les journaux de Versailles qui avouent, d’après les feuilles des départements.

Je citerai notamment le Figaro du 9 juin, qui emprunte les faits au Nogentais.

Il raconte que dans un train de prisonniers, il y eut une révolte près de la Ferté-Bernard. Le chef de l’escorte de police fit arrêter le convoi, et ordonna aux prisonniers de faire silence. Ceux-ci répondirent par des insultes et semblaient vouloir briser les planches.