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En voici une, que m’écrit un ancien caporal de la ligne :

« Je rencontrai un homme à capote grise que l’on amenait. Un officier d’état-major se fit montrer son fusil et ordonna qu’on l’exécutât. Immédiatement on ordonnait à ce malheureux de marcher contre un mur d’usine et il fit ainsi une centaine pas. Les balles sifflaient à ses oreilles. À la fin, sur la prière d’un jeune officier, fils d’un général distingué, et que ce spectacle exaspérait, je mis un genou en terre et, d’un coup de fusil, je délivrai ce malheureux de sa triste agonie… Je le vois encore avec sa tête dégarnie, ses longs cheveux et sa barbe flottants au vent. Il tomba sur le dos. Je partis, car les braves volontaires m’auraient fait un mauvais parti. »

Ainsi les braves volontaires (les gardes nationaux de l’ordre) se plaisaient à cet horrible jeu de s’essayer, tireurs novices, sur leur victime, et ils allaient faire un mauvais parti au soldat qui, par pitié, lui donnait le coup de grâce !

Une exécution a laissé de profonds souvenirs : elle m’a été signalée de plus de dix côtés différents. C’est celle de M. Melzessard.

M. Melzessard était l’inventeur et le fabricant des fermetures en fer pour les magasins. Son établissement était rue Pradier, à Belleville. M. Melzessard avait quitté la garde nationale dès le 18 mars. Quand les troupes se furent emparées de Montmartre, elles y établirent des batteries qui bombardèrent Belleville. La population se réfugia dans les caves et dans les sous-sols. M. Melzessard ouvrit les siens aux réfugiés, notamment aux enfants et aux femmes. L’une d’elles, — comme le quartier était déjà occupé par les troupes, — y accoucha prématurément.