Page:Pelletan - La Semaine de Mai.djvu/339

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il ne lui vient pas à l’idée que les malheureuses cherchent un mari, un frère, un père…)

» Devant la barricade faite de pavés maçonnés et de sacs remplis de terre, au rond-point de la rotonde, les morts ont été enlevés, mais devaient être nombreux : le sang coule dans les ruisseaux. Des canons, des affûts brisés, des fusils en tas maculés de sang, des chevaux étendus raides, des mares noirâtres, bouteilles cassées, boîtes de conserves vides et pains entiers, voilà ce qu’on trouve devant chaque barricade du quartier de la Villette…

» À la seule barricade de la rue de Puebla, soixante insurgés se sont fait tuer… Des légions de chiffonniers, la hotte au dos, vont fouiller la barricade et les ruisseaux. Il y a de tout dans leur moisson : fourreaux, ceinturons, cuirs de sac, etc. »

M. Maxime Ducamp raconte qu’il a vu, dans le quartier, un homme qui cueillait les souliers des cadavres. Il en avait une pleine voiture.

Le Soir donne les détails suivants :

« Au coin de la rue de la Roquette et de la place, dans un enfoncement formé par l’ancien et le nouvel alignement, cinquante insurgés, pris dans les maisons voisines avaient été fusillés. Cinq ou six hommes de bonne volonté fouillaient dans ce tas de cadavres et les jetaient pêle-mêle dans des fourgons des pompes funèbres.

» Quand cette triste besogne a été achevée, un de ces hommes, les bras ensanglantés, s’est avancé le chapeau à la main vers la foule et a fait une quête.

» À quelques pas sont une vingtaine de bières. Sans doute elles attendent de nouveaux cadavres qui sont dans les maisons. »