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exécutions collectives, que le dialogue que je vais mettre sous les yeux du lecteur.

Ce dialogue a été entendu par M. Ulysse Parent, le ferme et loyal républicain aujourd’hui membre du Conseil municipal, au livre duquel j’ai fait de si intéressants emprunts. M. Ulysse Parent avait gardé, lors de son arrestation, un tout petit carnet, facile à dissimuler et sur lequel il a pris note de ses tristes aventures, dans les caves du Luxembourg, à la cour prévôtale, dans les prisons de Versailles. Il a bien voulu mettre sous mes yeux ce carnet, dont la première page est remplie par les renseignements nécessaires, au cas où M. Parent aurait été exécuté, car il fallait tout prévoir. Notre ami était dans la prison de Saint-Pierre, à Versailles, lorsqu’il entendit, à la date du samedi 3 juin, entre deux sentinelles placées sous sa fenêtre, le dialogue en question. Il l’écrivit, en quelque sorte, sous leur dictée ; et je le donne textuellement tel qu’il est reproduit sur le carnet. Les deux interlocuteurs étaient, à ce qu’estime M. Parent, deux agents de police habillés en soldats. Une ronde venait de passer ; ils attendirent qu’elle se fût éloignée pour causer à leur aise. Voici le dialogue :

Le premier. — Et toi, où étais-tu ?

Le second. — Oh ! moi, je ne suis arrivé qu’à la fin, nous étions de la réserve avec le général ***. On nous a conduits derrière les Invalides, mais j’ai vu les incendies. — Et toi ?

Le premier. — Moi, j’étais aux Buttes-Chaumont, derrière la Villette. Ça chauffait de notre côté. Quelles canailles il y avait par là ! Quand ça a été fini, nous en avons bien collé cent cinquante d’un coup dans le coin d’un mur. On a fusillé dans le tas. Nom de Dieu ! la barbe en fumait !