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Un honorable industriel parisien m’a révélé par écrit et de vive voix, des détails plus hideux encore, qu’il a vus de ses yeux, dans la première moitié de juin 1871.

On sait qu’il existe, dans la plaine d’Issy et de Vanves, des catacombes extra-muros, de profondes excavations, des galeries souterraines, depuis longtemps utilisées pour la culture des champignons, et dont les puits de descente, tous munis d’une échelle, sont très voisins les uns des autres.

Beaucoup de fédérés s’y sont réfugiés. Une partie de la garnison des forts essaya de s’échapper par là, les journaux du temps en font foi. D’autres encore durent s’y cacher. Il y en eut qui y moururent de faim. Le témoin qui m’a rapporté ce qui suit, se promenait ce jour-là, avec un ami, entre les forts d’Issy et de Vanves, quand il remarqua avec surprise des soldats qui semblaient faire sentinelle. Les deux hommes s’informèrent, se dirigèrent vers un des soldats. Il était posté derrière un tas de pierre, à quelques mètres d’un des puits de descente. Il leur donna toutes les explications nécessaires. Les fédérés, chassés par la faim, se risquaient un à un hors des puits. Blêmes, décharnés, défaillants, n’ayant plus forme humaine, éblouis par la lumière qu’ils n’avaient pas revue depuis de longues journées, tâtonnant et trébuchant comme des aveugles, ils faisaient péniblement sept ou huit pas… le soldat embusqué les tirait, les couchait à terre.

Les promeneurs s’approchèrent de plus de dix-huit puits, et virent partout la même chose.

C’était une chasse l’affût, véritable partie de plaisir, où le soldat se divertissait des grimaces des malheureux sortant des ténèbres : il les décrivait fort plaisamment au témoin. Puis, s’interrompant dans ses explications : « Ne faites plus de bruit, parlez bas, disait