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morts inhumés soit au cimetière commun, soit à celui des condamnés à mort. On a enterré là, d’après mes renseignements, pendant dix jours ; les morts arrivaient par tombereaux, un jour, on en aurait enterré huit cents. C’est là, en effet, qu’il était naturel de por-


    plus de 15,000 corps. En outre, on fit plusieurs autres fosses et l’on estimait qu’elles contenaient 6,000 autres cadavres, soit en tout 23,000.

    » À l’époque, je ne tardai pas à être bien renseigné et les agents de la police qui, pendant plusieurs années, firent le service pour empêcher les parents et les amis de placer la moindre marque de souvenir sur cette immense fosse, ont toujours dit le premier chiffre lorsqu’on les interrogeait. Je puis même ajouter que certains d’entre eux ne cachaient pas combien l’exécution de leur consigne vis-à-vis des parents, leur était pénible.

    » Le chiffre de 15,000 dans la grande fosse, n’a jamais été mis en doute. Dans Une première campagne contre l’administration de l’Assistance publique, brochure que je publiai en 1875 et dont je vous envoie un exemplaire par ce courrier, je citai ce chiffre (voir page 29). Or, vous savez combien l’ordre moral guettait, pour les étouffer et les poursuivre, les moindres révélations sur l’époque sanglante. Eh bien, il n’osa élever aucune contestation.

    » Non, on ne saura jamais le nombre des tués pendant et après la lutte, et celui bien autrement énorme des personnes qui, n’ayant pris aucune part à la Commune, furent fusillées, égorgées.

    » Un détail encore peu connu : pendant plus de six semaines, chaque matin, de quatre à six heures, on exécuta au fort de Bicêtre.

    » Dans les derniers jours, les fournées étaient encore d’une trentaine de victimes.

    » Sur beaucoup de points de la banlieue les tranchées qui avaient été établies contre les Prussiens, servirent à enfouir des monceaux de fusillés.

    . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

    » Après toutes les révélations enregistrées depuis quelques semaines par la presse, après les imprudentes paroles dites par M. Le Royer : « il ne faut pas oublier ; nous ne voulons pas qu’on oublie ! » Eh bien, oui ! je suis de cet avis. Il faut que la justice, que l’humanité et la civilisation noyées à cette époque dans des torrents de sang, reprennent leurs droits. La véritable enquête n’a pu être faite tant la terreur était grande. Maintenant, elle peut l’être.

    » Le premier point à établir, c’est que dans tous ces lieux d’exécution, on a exécuté sans forme de jugements, sans dresser le