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portaient deux morts de la veille : les deux ambulanciers sont massacrés.

Ce répit donne le temps à un ambulancier de s’élancer dans l’escalier et de semer l’alarme. Au haut de l’escalier, il y avait une échelle, conduisant à la trappe des combles où se trouve le clocher. Tout ce qui peut se sauver se blotit dans le comble ; puis on tire l’échelle et l’on referme la trappe.

Cependant, le capitaine, le sous-lieutenant et les soldats, traînant avec eux un aide-major, montent dans l’ambulance. Les malades étaient répartis dans les petites chambres des séminaristes. Il y en avait environ deux par chambre. Un même couloir ouvre sur toutes. Les deux officiers, les soldats se précipitent jusqu’au bout du couloir. Puis ils reviennent de chambre en chambre. Si l’aide-major disait un mot, un des officiers lui portait le revolver à la figure. « J’ai été menacé de la sorte plus de vingt fois, » me racontait-il lui-même. Le capitaine allait de lit en lit, interrogeant brusquement le malade ; puis, il se tournait vers les soldats : « Une balle dans la tête. » Quelques-uns furent fusillés, d’autres percés de baïonnettes, d’autres tués à coups de revolver. Il y avait des mares de sang sur les matelas. Un des blessés, Achille B…, raconte ainsi la scène. Il entend, dans la chambre voisine, un malheureux crier : « Comment, vous allez me fusiller ! Ah ! mes pauvres enfants ! » Puis on entre dans sa chambre. Il y était avec un garde national nommé Cruchet, ouvrier ébéniste, demeurant rue de Charonne, et garde au 195e bataillon. L’officier dit à cet homme : « Où êtes-vous blessé ? — À la tête — Où avez-vous été blessé ? — À Neuilly. » — Alors, sur l’ordre de l’officier, un soldat tira à bout portant. Le malheureux ne broncha pas ; il fut tué net. Puis le capitaine sortit, et