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de terre pourrait anéantir l’œuvre écrite, l’œuvre imprimée répandue à profusion sur toute la surface de la planète ?

Ainsi, diffusion de l’œuvre écrite par la presse et indestructibilité de cette œuvre par la diffusion, voilà le progrès en double partie que nous avons accompli sur l’antiquité. Est-ce à dire pour cela que l’antiquité ait péri dans son génie, à Persépolis ou à Alexandrie, et que de ce foyer lumineux, comme vous dites, le temps n’ait sauvé çà et là qu’une étincelle ? C’est l’étincelle au contraire que l’humanité a perdue et le foyer qu’elle a sauvé. Car, l’antiquité à coup sûr n’a pas connu, et le vent n’a pas balayé à l’oubli avec la cendre du Serapeum, de plus grands poëtes qu’Homère ou Virgile, de plus grands dramaturges qu’Eschyle ou Sophocle, de plus grands philosophes que Platon ou Aristote, de plus grands orateurs que Démosthène ou Cicéron, de plus grands médecins qu’Hippocrate ou Galien, de plus grands savants que Pline ou Euclide, de plus grands historiens que Thucydide ou Tacite. Or nous possédons à l’heure qu’il est les œuvres de tous ces pères de la civilisation, complètes ou incomplètes, peu importe, toujours assez complètes pour juger leur génie en connaissance de cause, et du même coup le génie du passé. Quelle que soit la perte de la littérature de second ordre dérobée à notre curiosité par un accident ou par un autre, ce n’en est pas moins une perte pour la pédagogie, et l’imprimerie a bien mérité de la civilisation, en mettant désormais la pensée