Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/15

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Les meneurs, les habiles, hommes sensés, positifs, pratiques, battaient l’air à chaque instant du bruit de leurs catilinaires pour les seules questions dignes, à les entendre, du regard de la postérité : pour le dernier paragraphe du discours de la couronne, pour la signature du traité Bulow, pour l’imbroglio indéchiffrable de la Plata, pour la candidature du prince de Cobourg ou du prince de Trapani à la main d’une fille mineure appelée reine d’Espagne.

Et quand par hasard vous jetiez votre mot dans ces débats, que disiez-vous ? Vous disiez que la France aspirait à quelque chose de plus haut qu’un amendement par assis et levé, sur la reine Pomaré ou la reine Isabelle, sur la dotation d’un duc ou la prérogative de la couronne, Vous montriez du doigt à l’horizon la lueur nouvelle de l’humanité ; vous demandiez place pour l’idée du drapeau tricolore : l’Europe a l’œil sur nous, elle attend de nous l’exemple, disiez-vous. Faisons quelque chose de grand, tournons le second feuillet de la révolution, mettons-nous à la tête de la vérité de peur que la vérité ne passe sur notre corps et ne continue sans nous son chemin.

Vous leur disiez cela, et ces hommes sages, ces hommes sérieux comme des faits, infaillibles comme des chiffres, vous écoutaient une minute, souriaient, haussaient les épaules et murmuraient entre eux : Que nous veut ce poëte ? il descend assurément de quelque étoile. Il ne sait pas être ministre. Éloquente inutilité. Chance à re-