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pothéose, en quelque sorte, du corps de l’homme par le marbre et le bronze. Mais cette perfection d’un ordre borné a-t-elle réellement épuisé le progrès en fait d’art, et condamné le monde désormais à l’immobilité ? Autant vaudrait dire que pour avoir trouvé aussi du premier jour la forme parfaite de la hache, l’industrie a renoncé depuis lors à inventer de nouveaux instruments de travail.

La statuaire, par sa nature même, ne peut guère représenter qu’un ordre de beauté : la forme, la ligne, le geste, l’attitude. Chaque art a la limite de son procédé ; sans quoi un art serait à lui seul tous les autres arts réunis. Le marbre laissait donc de côté tout un monde de sentiments et d’idées. La statue n’a pas de regard. Or, l’œil est le foyer de l’émotion, c’est dans l’œil que le rayon de l’infini descend ; c’est par l’œil que l’homme le répand au dehors. La sculpture d’ailleurs ne comporte aucune action multiple, composée de plusieurs épisodes ou plusieurs acteurs. Le personnage isolé ou le groupe, voilà sa fonction, ou tout au plus une série de figures condamnées à défiler sur un même plan, comme dans le bas-relief des panathénées de Phidias. L’âme, la nature, la lumière, la couleur, l’action, c’est-à-dire la vie elle-même, dans sa magnifique ampleur, est pour elle une page fermée.

La peinture, forme d’art spiritualiste, née d’une religion spiritualiste comme elle, pouvait seule traduire au regard le drame et le sentiment dans son infinie va-