Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/168

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avez fait descendre je ne sais quelle flamme du ciel dans leur cœur comme sur l’autel. Ils ont reconnu à votre poésie la langue muette de leur rêve ; votre poésie a dit pour eux ce qu’ils avaient à dire, et maintenant ils aiment en silence. Le lecteur a laissé le volume ouvert sur son genou, le vent du soir joue avec la page chargée de la mystérieuse confidence ; la vague jette à la première étoile levée à l’horizon une plainte à voix basse d’une ineffable douceur, et tous deux plongés dans les derniers rayons du crépuscule, sérieux, recueillis, répandent voluptueusement leur extase dans la nature, et la sentent rentrer en eux par tous les souffles de l’air, par tous les parfums de la terre, tous les frissons de la vague, et tous les effluves de l’atmosphère. Leur âme est un temple ; Dieu est là ; et vous pourriez croire que pour rendre raison de cette fête du cœur, où vous avez convoqué le premier, où d’autres ont convoqué après vous toutes les grâces et toutes les piétés de nature, nous irons ramasser à vingt ou à trente siècles en arrière la rose effeuillée de la poésie antique sur le fumier de l’orgie ? Ah ! Lamartine, respectez votre idéal ; vous nous le devez, à nous, pour les admirations opiniâtres et violentes que nous avons toujours répandues, que nous répandrons toujours sur votre passage.

Et maintenant, reprenant l’autre hypothèse, mettez-vous la poésie dans la forme plutôt que dans le sentiment ? Alors j’ai gagné ma cause, je ne discute plus. Qu’importe que la mélopée grecque ait caressé plus vo-