Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/173

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sa suprême formule, porte alors le nom d’Achille, d’Ajax, d’Agamemnon, d’Ulysse. Or, nous pouvons juger de l’héroïsme par le dernier chant de l’Odyssée. Ulysse rentre dans son palais après une longue absence, il prend au piège de sa ruse les prétendants de Pénélope, les massacre sans pitié, répand la fleur de soufre sur la dalle encore chaude de cet abattoir, étrangle ensuite toutes les femmes de la maison complices de ses rivaux, et reprend tranquillement dans les vapeurs de sang et les parfums de cadavres la conversation interrompue avec Pénélope.

L’âme dormait encore, et nulle force chez l’homme ne pouvait faire contrepoids à la violence sauvage des sens abandonnés à leur seule impulsion. Mais l’âme pensait cependant, et à mesure que la société rapprochait l’homme de l’homme, elle pensait en commun, multipliait, au contact, sa puissance de penser, accumulait idée sur idée, transmettait l’idée de génération en génération ; et la pensée humaine, ainsi communiquée, ainsi reversée, ainsi grossie perpétuellement dans son perpétuel courant à travers l’humanité, refluait dans l’âme humaine à l’état de richesse acquise, de force supplémentaire et constituait dans l’humanité tout un monde nouveau d’action, le monde moral qui enlevait au corps toute la part qu’il prenait pour lui-même dans notre existence. Après avoir jusque-là vécu par l’épiderme, l’homme commença dès lors à vivre par l’intelligence.