Page:Pelletan - Le Monde marche.djvu/185

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destinée, l’incommensurable série de travaux que les générations reprennent sans cesse et déposent sans cesse sur le même point du sol sans pouvoir jamais arriver à mettre l’inscription de l’artiste sur son œuvre : j’ai fini, perfeci monumentum.

Or, comme à cette époque d’installation sur un sol brut, l’homme ne possédait encore, cela va sans dire, l’assistance d’aucun travail antérieur de défrichement ou de construction, ni la collaboration d’aucune force supplémentaire, animale ou mécanique, disciplinée à son commandement, ou sortie, comme Minerve, de son cerveau, il devait évidemment, de toute nécessité, exécuter plus d’œuvres à la fois avec moins de forces à son service, et, rien que pour vivre strictement au minimum de vie, rester courbé sur la terre du lever au coucher du soleil. Point de loisir alors dans la société, pas plus pour toi que pour moi ; car, pas plus l’un que l’autre, nous n’avons trop de la journée, noyée tout entière dans notre sueur, pour apaiser le cri implacable du besoin.

Si cette nécessité de labeur à outrance pour le pionnier de la civilisation avait toujours duré, l’humanité n’aurait jamais eu de loisir, par conséquent, de temps à consacrer à la pensée. Mais, heureusement pour la civilisation, parmi les travaux accomplis à la surface du sol par les premiers colons, il y avait des travaux à demeure, une fois pour toutes, qui retombaient à l’état d’héritage dans la génération suivante, et apportaient, conséquemment, à cette génération une somme de loisir